22.11.2021
| Le TempsCOP 26: fin de partie à Glasgow
Après l’échec de la COP26, il faut un véritable changement de paradigme et de mode de vie, pour mettre l’économie au service de l’homme et lui extraire son caractère prédateur et destructeur, écrit le professeur Marc Chesney, de l’Université de Zurich
Le show annuel a pris fin. Comme dans la pièce de Samuel Beckett Fin de partie, le suspense a été dérisoire au cours du sommet, de ce non-événement planétaire. Cependant, tout en exprimant des «déceptions», la plupart des délégués gouvernementaux de haut rang ont comme d’habitude affiché un avis plutôt positif dans la mesure où ils estiment que ce «pacte climatique de Glasgow» correspondrait au mandat de la COP, en l’occurrence de «garder en vie», apparemment de mettre sous perfusion, l’objectif de limiter l’augmentation des températures à 1,5°C à la fin du siècle. Or, il faudrait le réaliser au lieu de le maintenir en vie indéfiniment!
Leurs incantations à mettre en œuvre les décisions qu’ils ont déjà prises maintes fois se sont succédé les unes aux autres. A qui s’adressaient-ils, si ce n’est à eux-mêmes? Les COPains s’exhortent à appliquer leurs décisions passées, qu’ils se refusent par ailleurs à exécuter. Curieux exercice de communication, qui requiert un certain savoir-faire, une grande force de conviction et des contorsions en tous genres!
Un ultime cycle de discussion
La mise en scène est semblable d’une COP à l’autre: une entrée en matière solennelle dont l’objectif est de faire accroire aux représentants de la société civile que, cette fois-ci, les enjeux ont bien été intégrés et que ce sommet constitue la véritable opportunité de réduire le réchauffement climatique. Et d’ailleurs, le nombre de déplacements en jet privé à destination ou en provenance de Glasgow, au moins mille, pendant le sommet, atteste de l’importance que les délégués gouvernementaux de haut rang et de l’industrie des énergies fossiles octroient à la baisse des émissions de gaz à effet de serre!
Puis, environ deux semaines de palabres et de négociations entre des «décideurs», qui décident le plus souvent de faire traîner les choses. Vu leur âge, ils seront d’ailleurs beaucoup moins confrontés aux catastrophes naturelles que leur inaction génère que les jeunes générations, exclues des véritables négociations et décisions. Il est intéressant à ce titre de se remémorer les paroles de Lloyd George, premier ministre britannique durant la Première Guerre mondiale, à propos de l’attitude du chef de l’Etat français et du ministre des Affaires étrangères russe: «On sent que Poincaré et Sazonov s’étaient dit: Ce qui importe, ce n’est pas d’éviter la guerre; c’est de nous donner l’air d’avoir tout fait pour l’éviter.» Actuellement, il est assez clair que c’est également l’attitude qui prévaut chez de nombreux politiciens et financiers: donner l’illusion d’œuvrer à résoudre les problèmes environnementaux, à défaut de le faire véritablement, ce qui convient parfaitement aux entreprises productrices d’énergies polluantes.
Finalement, un ultime cycle de discussions, qui retarde la clôture de la conférence. Il s’agit de montrer que les décideurs, conscients des enjeux, n’ont ménagé ni leur temps ni leur énergie pour élaborer des accords que le plus souvent… ils ne chercheront pas vraiment à mettre en œuvre. Ce retard sera certainement à l’ordre du jour de la prochaine COP, dont l’objectif sera à nouveau de faire accroire à la société que cette fois-ci, les enjeux auront bien été intégrés par le monde politique et financier et que ce futur cycle de réunions constituera la véritable chance de limiter le réchauffement climatique… Gageons que lorsque les COPains se réuniront à nouveau l’année prochaine en Egypte, ils «maintiendront en vie» l’objectif de ne pas dépasser une augmentation des températures de 1,5°C à la fin du siècle! Ainsi, à chacune de ces réunions, c’est sous les feux des projecteurs de la grande scène médiatique que l’éléphant accouche d’une souris.
Cynisme et faux-semblants
A Glasgow, les pays membres ont été invités à «accélérer les efforts vers la diminution progressive de l’énergie au charbon… et des subventions inefficaces aux énergies fossiles». Comme le texte de l’accord ne précise ni l’échéance de cette aimable invitation ni qui jugera d’une telle inefficacité, ce type de phrases sonne particulièrement creux. Les groupes de pression en faveur de ces énergies, présents en force à Glasgow avec plus de 500 membres, vont s’employer à définir les critères d’efficacité qui correspondent à leurs propres intérêts.
Une disparition de ces aides annuelles aux combustibles fossiles, supérieures à 5000 milliards de dollars et donc à 6% du PIB mondial, permettrait de largement financer la transition énergétique requise pour limiter l’augmentation des températures à 1,5 voire 2 degrés à la fin du siècle.
Si les enjeux n’étaient pas aussi importants, ces shows à répétition prêteraient à sourire. Le cynisme et les faux-semblants sont inacceptables et ces spectacles médiatiques sont stériles. Au vu de la médiocrité des résultats obtenus et des émissions de CO2 dégagées par les représentants des gouvernements et des groupes de pression pour participer à ce sommet, une conférence en ligne aurait suffi! Ce dont il s’agit, c’est d’un véritable changement de paradigme et de mode de vie, pour mettre l’économie au service de l’homme et lui extraire son caractère prédateur et destructeur. On en est manifestement bien loin!