Analyse critique du secteur financier

17.11.2022

| Le Temps

De Charm el-Cheikh à Doha: la coupe est pleine

Les COPains se réunissent à nouveau dans le cadre de la COP27. Ils se proposent sans doute de fêter somptueusement le non-accomplissement de la plupart de leurs promesses environnementales. Comme chaque année, il s’agit en réalité d’un non-événement ponctué de non-décisions. Pour éviter d’émettre des gaz à effet de serre en grandes quantités, les dirigeants de ce monde et leurs amis lobbyistes des énergies fossiles et de la finance, auraient pu au moins refuser de s’y rendre en avions de type présidentiel ou en jets privés, mais plutôt y arriver à dos de chameau. Comme la COP se terminera le 18 ou le 19 novembre, en fonction de la fin des festivités, et que la Coupe du monde de football ne commencera que le 20 novembre, il leur aurait même été possible de voyager ainsi de Charm el-Cheikh à Doha, en formant une «caravane verte pour le climat», verte comme le dollar, pour aller assister à une Coupe supposée «neutre en carbone». En orbite autour du cynisme et de la vénalité, ce cortège «zéro émission» des grands de ce monde, symboliserait un changement de focalisation, de la sphère terrestre à celle du ballon rond. Pouvoir se désaltérer au passage dans une «oasis Coca-Cola» -société qui sponsorise déjà la COP27- aurait certainement étanché leur soif de liquidité. En tentant de faire oublier au commun des mortels le caractère durable de leurs déboires et l’état déplorable du monde, cette traversée du désert aurait pu leur permettre de rebondir.

De la peine et des jeux

L’année se terminera donc avec la Coupe du Monde de football au Qatar pour faire diversion, si ce n’est que la construction des stades a déjà entrainé la mort d’au moins 6000 travailleurs immigrés, que les dépenses d’énergie pour climatiser les stades sont colossales et absurdes, et que la supposée neutralité carbone de cette Coupe est un mirage, avec environ 500 vols journaliers prévus pour permettre aux supporters, de soutenir leur équipe favorite...

À l’heure où les COPains font mine de se préoccuper de la situation climatique, de grandes banques internationales, souvent «durables», octroient de volumineux crédits à des sociétés comme Shell, et Totalénergie qui procèdent à l’exploitation éhontée des ressources naturelles de l’Arctique et causent ainsi des destructions irréversibles à la nature. 30 grandes banques ont accordé des crédits pour un total de 300 milliards de dollars, pour développer le forage de pétrole et de gaz dans cette région.

À l’heure où les COPains portent un toast à l’avenir de la planète, certains établissements financiers, y compris suisses, financent au grand plaisir de Jair Bolsonaro, des entreprises agricoles brésiliennes, comme BrasilAgro et Marfrig, impliquées dans de graves cas de déforestation non autorisée, de destruction de l'environnement et de violation des droits humains.

À l’heure où les COPains s’auto-congratulent, Totalénergie et ses partenaires, en accord avec le gouvernement ougandais, ont annoncé la même année la décision finale d’investissement et le lancement d’un immense projet d’exploitation pétrolière. Celui-ci, avec son oléoduc géant longeant le plus grand lac d'Afrique, traversera plusieurs zones protégées peuplées d'éléphants, de lions ainsi que de chimpanzés et détruira au passage de nombreux habitats naturels. Il causera aussi l’expropriation forcée d’environ 100.000 personnes.

Ne rien changer sur le fond, mais faire semblant, entre deux coupes de Champagne, de se préoccuper de la nature et du réchauffement climatique, voilà ce qui caractérise la plupart des gouvernements, des directions de grandes entreprises et de banques systémiques.

Il serait pourtant plus que temps d’ouvrir les yeux et de prendre les décisions requises. Le contexte est préoccupant avec les vagues de chaleur intense qui nous ont submergés cet été, la disparition à grande échelle des espèces animales, la pollution… Les forages pétroliers et gaziers dans des réserves naturelles, ainsi que leurs financements, doivent être stoppés, tout comme, en général, le fonctionnement prédateur de l’économie. Le statu quo n’est pas une option. La coupe est pleine.

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