Analyse critique du secteur financier

12 décembre 2018

| Le Temps

La mascotte suisse des «gilets jaunes»

Une interview de 2015 proposant une micro-taxe sur toutes les transactions fait à nouveau fureur depuis quelques semaines. Marc Chesney, le professeur qui la défend, a du coup adapté ses calculs pour la France

C’est un effet indirect inattendu du mouvement des «gilets jaunes»: depuis début novembre, un article du Temps, pourtant daté de 2015, fait fureur sur Facebook. Son titre? «Une taxe sur les transactions financières pourrait remplacer tous les impôts actuels». C’est ce qu’affirmait alors le professeur de finance de l’Université de Zurich, Marc Chesney, qui dénonçait également une aristocratie financière ayant pris le pouvoir au détriment du reste de la population.

L’expert y exposait l’idée qu’il promeut avec le financier zurichois Felix Bolliger de «micro-taxe» financière sur toutes les transactions. Il s’agirait de ponctionner «tous les paiements électroniques, comme les factures de restaurant… et pas seulement les achats d’actions ou d’obligations». Il expliquait alors qu’en Suisse, ces paiements sont de l’ordre de 100 000 milliards de francs par an, et que cette taxe suffirait donc à remplacer tous les impôts.

Or, depuis le 2 novembre, cet article a bénéficié de 122 690 pages vues, dont plus des deux tiers venant de lecteurs français, notamment parce qu’il a été partagé dans des groupes proches des «gilets jaunes» sur Facebook puis repartagé jusqu’à des centaines de fois, également sur Twitter. Le plus souvent, les commentaires sont enthousiastes, même si certains doutent qu’une telle mesure puisse être mise en place. «L’idée est bonne et faisable si l’on demande son avis au peuple; mais ce ne sera jamais le cas…» prédit un internaute.

Pas la taxe Tobin

D’autres se moquent du président Emmanuel Macron, le jugeant incapable d’imposer une telle idée à ses alliés de la finance. Car il y a parfois confusion, ce projet étant souvent directement associé à la taxe Tobin, datant des années 1970, relayée par Attac à la fin des années 1990 et dont l’objectif est différent, puisqu’elle se limitait aux transactions de la finance et n’incluait pas, comme ici, tous les paiements électroniques.

Ce regain d'intérêt n'a pas échappé au principal concerné, le professeur Marc Chesney, directement contacté par des lecteurs, souvent des gilets jaunes, invité à s'exprimer, puis par des médias comme La Dépêche du Midi ou Sud-Ouest, qui s'apprête à publier une tribune de sa plume. L'occasion de refaire les calculs et de les appliquer à la France. «Il faut être prudent, car je ne dispose pas de toutes les données, mais une taxe de 0,1% à 0,2% perçue sur toutes les transactions électroniques devrait permettre de récolter un montant de l’ordre de 200 milliards d'euros, soit davantage que la TVA», explique-t-il. En France, son taux dit «normal» est de 20%. «Il est en réalité disproportionné et indique un dysfonctionnement de l’Etat», estime-t-il.

Emmanuel Macron «dos au mur»

Pour le professeur zurichois, le président Macron, lors de son allocution de lundi soir, «a lâché du lest» en prenant certaines mesures. Le gouvernement est cependant «dos au mur». L'expert franco-suisse considère, dans ce contexte, que cette idée de micro-taxe serait une «bonne solution qui permettrait de réduire les impôts tous en menant la transition énergétique. Avec un taux supérieur à 0,2%, ces deux objectifs commenceraient à être conciliés.»

Par ailleurs, le projet de micro-taxe devrait également faire l'objet d'une initiative populaire en Suisse. La récolte des signatures devrait débuter d'ici mars ou avril, explique Marc Chesney, le temps de finir la rédaction du texte de l'initiative. «Ce processus prend du temps et il faut aussi tirer les conclusions des échecs de certaines initiatives. Le texte doit être court, simple et clair», explique le professeur. 

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