Analyse critique du secteur financier

19 Novembre 2020

| Tribune de Genève

Cette crise ne tombe pas du ciel

Un vaccin efficace, puis deux, puis trois, une immunisation progressive de la population, le réveil de l’activité économique l’été prochain… Et le tour serait donc joué? Pas si vite, avertit Marc Chesney, professeur de finance à l’Université de Zurich, membre de Finance Watch et président de l’Association pour le renouvellement de l’enseignement et de la recherche en économie et finance (AREF). Pourfendeur des excès de la finance, l’auteur de «La crise permanente » exhorte à revenir sur les causes profondes de cette pandémie, tout aussi économiques que sanitaires. Il figure au sein du comité référendaire Micro-impôt, qui a déjà réuni 30’000 signatures. 

Marc Chesney, comment les dérives de notre système économique peuvent-elles être à l’origine de la pandémie qui a marqué cette année 2020?

Aux yeux de beaucoup d’économistes, cette crise sanitaire tombe en quelque sorte du ciel. Alors que ses origines sont à chercher du côté de la déforestation et de la perte de deux tiers des espèces vivantes. D’autres pandémies sont à nos portes et il est urgent de réfléchir de manière critique à la mondialisation de l’économie, qui favorise leur propagation. Arrêtons de nous limiter à ses seules conséquences en pariant sur un vaccin miracle. Il s’agit de traiter les causes de ces épidémies.

Avant la crise, les milieux financiers n’étaient-ils pas en train d’intégrer ce défi planétaire dans leurs décisions, en demandant un système de fixation du prix du CO2 à un niveau élevé?

Un prix du CO2 plus élevé serait utile, mais ne changerait rien de fondamental au paradigme qui conduit à ces crises à répétition: nos économies empruntent pour générer de la croissance, une croissance qui, en retour, servirait à rembourser une partie des dettes… Cela ne fonctionne pas et déclenche les dégâts environnementaux conduisant à la pandémie que nous vivons.

Ces temps de crise ne rendent-ils pas inaudible cette remise en cause du système?

Non, car nous mettons en avant une solution simple, sans lourdeur administrative ni augmentation de la dette, destinée à soutenir tous ces indépendants et ces PME qui ne peuvent plus travailler. Intégrons la microtaxe dans le plan de relance de l’activité mis en place au niveau fédéral. Taxons l’ensemble des transactions électroniques, dont la masse représente… 150 fois le produit intérieur brut.

Le changement tient donc dans une taxe?

La microtaxe ne résout pas tous nos problèmes, mais elle présente de nombreux avantages. Elle se substitue notamment à la TVA pour être ponctionnée sur une base d’activité autrement plus large. En Suisse, elle pourrait générer 100 milliards de francs par an, de quoi financer aussi bien l’aide aux travailleurs indépendants, que le Covid-19 a mis à terre, que la transition énergétique. Il s’agit de mettre à jour un système fiscal archaïque. À l’heure de la numérisation d’une part croissante de notre activité – achat, travail, procédure administrative –, il est contre-productif de taxer le travail ou la consommation.

La Suisse avance-t-elle en solo?

Dans la zone euro, la discussion porte sur une taxation de certaines transactions financières, principalement sur les actions de grosses entreprises. Notre initiative va plus loin et vise la microtaxation, à hauteur d’un dixième de pour-cent, de toutes les transactions électroniques – achat par carte, ordre de vente d’un produit financier ou retrait au bancomat.

La crise permanente, de Marc Chesney, EPFL Press

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